Opération de la paix en milieu urbain: ce que nous avons appris de la Mission de l'Union Africaine en Somalie
Le maintien de la paix en ville : ce que nous avons appris de la mission de l’Union Africaine en Somalie
Auteurs: Emma Elfversson Post-doctoral Researcher, Department of Peace and Conflict Research, Uppsala University; Paul D. WilliamsProfessor of International Affairs, George Washington University; Sara Lindberg Bromley Post-doctoral researcher, Department of Peace and Conflict Research, Uppsala University
Dans un monde de plus en plus urbanisé, les forces de maintien de la paix vont progressivement plus opérer dans les villes. Dans un article récent, nous avons analysé comment les attaques menées contre la mission de l’UA en Somalie (AMISOM) ont affecté la capacité des forces à opérer à Mogadiscio. Les villes disposent d’institutions et d’atouts logistiques importants. Elles font fréquemment l’objet de féroce contestation entre parties au conflit. Elles restent d’ailleurs souvent divisées et insécures longtemps après la signature formelle d’un accord de paix, ce qui pose de nombreux défis aux transitions pacifiques.
La sécurisation stratégique des villes importantes et la protection des institutions clés sont dès lors des tâches essentielles pour les opérations de maintien de la paix. Cependant, les opérations en milieu urbain à haute densité représentent de grands défis.
D’une part, la densité des villes rend le travail des forces plus compliqué pour la distinction des éléments armés de la population civile. Les partisans qui disposent d’une connaissance approfondie des infrastructures de la ville peuvent contrevenir à l’avantage technologique des forces de maintien de la paix. L’importance politique et symbolique de la ville explique souvent qu’elle soit la cible prioritaire d’attaques d’envergure, ce qui complique l’anticipation et la prévention des forces de maintien de la paix.
Attaques sur les forces urbaines de maintien de la paix
Certaines opérations de maintien de la paix déployées dans des villes ont subi les attaques de forces opposées à leur présence. De telles attaques, à leur tour, affectent la capacité des forces de maintien de la paix à opérer et ont mené dans certains cas à leur retrait. A Kigali, au Rwanda, l’assassinat de dix militaires belges affectés à la mission des NU le 7 avril 1994 a mené au retrait du contingent belge.
La mission des NU en Somalie fut également force de se retirer lorsque les Etats-Unis décidèrent de retirer leurs troupes. Cela se passa après le la bataille de “Black Hawk Down” à Mogadiscio en octobre 1993.
Une recherche récente a montré que de telles réponses opérationnelles peuvent être l’exception à la règle. Cependant, des attaques visant des forces de maintien de la paix peuvent avoir d’autres effets importants sur l’efficacité opérationnelle.
Dans notre article, nous nous concentrons sur la mission de l’UA en Somalie entre 2007 et 2009, ses trois premières années. La mission fut déployée lorsqu’il y avait peu de paix à maintenir. La mission fut rapidement attaquée par les al-Shabaab, le principal groupe armé s’opposant au Gouvernement Fédéral de Transition de Somalie (GFTS). Sur base des données collectées, nous avons analysé des schémas de violence impliquant les forces de maintien de la paix. Environ 50 soldats furent tués dans des actes directs de violence à Mogadiscio entre 2007 et 2009, ce qui affecta la mission de plusieurs manières.
Premièrement, les conditions d’insécurité à Mogadiscio forcèrent la mission à se concentrer sur ses tâches militaires de base – protéger le Gouvernement et ses troupes. Les patrouilles et l’engagement civil furent limités, ce qui limita également l’accès de la mission à des informations d’intelligence. Deuxièmement, les attaques sur l’AMISOM ont considérablement perturbé sa capacité à se déployer dans la ville. Après avoir sécurisé des endroits clés, la mission devait se concentrer sur leur protection. Elle ne fut pas en mesure de se déployer à travers la ville pendant un long moment. La concentration sur quelques endroits stratégiques fut en partie le résultat de retards dans le déploiement de troupes et de la réticence de certains gouvernements à envoyer des troupes dans une zone insécure. Troisièmement, les attaques sur les troupes de maintien de la paix menèrent parfois à de lourdes réponses militaires. Les civils furent régulièrement victims de tirs croisés Durant ces combats prolongés.
Leçons tirées d’expériences de la mission AMISOM
Ces expériences illustrent les défis particuliers que doivent gérer les troupes de maintien de la paix qui affrontent des groupes armés qui connaissent bien le milieu urbain et font usage de tactiques asymétriques. Ces défis semblent avoir perturbé la mise en oeuvre de certains éléments du mandat. Ces taches incluent la stabilisation de la ville de Mogadiscio, la promotion du dialogue et la facilitation de l’assistance humanitaire.
En lieu de quoi la mission dut agir défensivement en se concentrant sur la protection d’un gouvernement contesté et sur les lignes d’approvisionnement. Cependant, malgré les nombreux défis, les troupes de l’AMISOM ne se retirèrent pas et permirent au gouvernement de rester en place, ce qui était sa mission principale.
Ces expériences suggèrent que de telles opérations urbaines de maintien de la paix doivent disposer de suffisamment de ressources (personnel, équipement, formation) dès le début des activités.